Séance du Conseil départemental du 26 mai 2016 – Voeu EuropaCity
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Vœu présenté par
le Groupe socialiste, radical et Gauche citoyenne,
le groupe Communiste, citoyen, front de gauche
pour une transformation sociale et écologique
et le groupe Europe Ecologie – Les Verts

Séance jeudi 26 mai 2016

Le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis est amené à se prononcer dans le cadre du débat public concernant d’une part, l’aménagement du Triangle de Gonesse et d’autre part le projet « EuropaCity » qui en serait le cœur.

L’aménagement de cet espace conformément au Schéma Directeur de la Région Île-de-France est légitime et souhaitable. Mais il doit se faire dans le cadre d’une réflexion globale, à l’échelle métropolitaine, dans le souci de protéger les espaces agricoles et naturels tout en assurant le développement d’un pôle d’équilibre du territoire entre la Val d’Oise et la Seine-Saint-Denis.

1. Des positions déjà affirmées par le passé à l’unanimité de notre majorité.

Dans un vœu porté par la majorité le Conseil départemental s’est prononcée le 16 septembre 2014 sur ce sujet en soulignant que le projet présenté par le groupe Auchan ne répondait pas, à ce stade, aux enjeux urbains, économiques, sociaux et environnementaux du territoire.
Il ne sera pas possible de soutenir un projet qui serait en contradiction avec la qualité de vie des séquano-dionysiens, de leurs valeurs et d’une conception de l’avenir qui passe par la transformation écologique du territoire.

Le dossier présenté par le porteur de projet dans le cadre du débat public ne répond toujours pas à certaines des inquiétudes majeures sur des sujets essentiels pour l’avenir de notre département. Ce que nous écrivions il y a 18 mois est toujours d’actualité.

2. Un projet peu lisible et discutable politiquement et philosophiquement.

Le projet prévoit plus de 230 000 m2 de surfaces commerciales sur lequel pour l’instant, nous n’avons pas, ou très peu, de visibilité.

Difficile donc de comprendre la nature de ce projet, celles et ceux à qui il est destiné prioritairement (usagers locaux, touristes régionaux, touristes internationaux) et les impacts réels sur le tissu commercial local.

Au-delà, la philosophie de ce projet, celle d’un très vaste espace unique concentrant les commerces de marchandises, de loisirs et de divertissement culturel, interroge. Un tel gigantisme est-il souhaitable ? Est-il souhaitable de transformer les loisirs en produits à consommer ? Ce modèle a t-il un avenir, est-il adapté à la société française ?

Cela mérite d’en débattre.

3. Un impact sur l’emploi trop incertain en Seine-Saint-Denis.

Les créations d’emplois annoncées ne profiteront pas nécessairement au territoire. Aucune garantie n’est réellement donnée en ce qui concerne la formation des jeunes et des publics éloignés de l’emploi sur le département.

Si l’on compare à proportion égale avec la zone aéroportuaire de Roissy Charles de Gaulle, ce sont moins de 2000 séquano-dionysiens qui seraient concernés par les emplois directs d’Europacity. Ce chiffre est à mettre au regard des 6000 emplois dans le secteur marchand menacés en cas de fragilisation du tissu commercial dans le département à l’horizon 2018 (Aéroville, O’Parinor, Ilo Epinay…).

4. Vers une embolie du réseau routier ?

Sur le plan des déplacements, toutes les études (et notamment une étude récente de la DRIEA) montrent que le développement économique du corridor aéroportuaire Roissy-le Bourget risque de créer une congestion majeure du réseau routier et autoroutier du secteur. Cela concerne le réseau majeur, et en premier lieu l’A1, mais également le réseau secondaire et notamment les routes départementales déjà surchargées.

Comment croire qu’avec 35 millions de passages en plus par an, le projet ne risque pas de renforcer cet engorgement et donc de pénaliser les habitants qui doivent utiliser ces axes pour aller travailler ?

La Seine-Saint-Denis, est la terre d’accueil de l’accord historique de la COP21 en décembre 2015. Nos territoires ne retrouvent pas dans ce projet l’ambition de transition énergétique des territoires de périphérie urbaine qu’ils se sont fixée, notamment en ce qui concerne la réduction des Gaz à Effets de Serre (GES), incompatible non pas tant avec le type de construction HQE choisi pour le bâtiment qu’avec le taux de fréquentation escompté et la philosophie du projet.

5. Il y aurait une spectaculaire anomalie à faire la plus grande zone commerciale d’Europe à quelques mètres de la plus grande friche industrielle d’Europe.

L’engagement de l’Etat en faveur d’un projet d’investissement de 3,1 Mds€ mérite l’attention. Mais comment expliquer le fait que rien ne soit proposé, depuis plus de trois ans, pour les 160 hectares du site de l’ancienne usine PSA, situés à quelques centaines de mètres du Triangle de Gonesse ?

Aujourd’hui, le SDRIF, conditionne l’aménagement du Triangle de Gonesse. Mais il classe également le site de PSA en « zone à fort potentiel de densification », c’est-à-dire qu’il a vocation à accueillir d’ambitieux projets d’aménagement, sans conditions.

Le potentiel du site PSA est immense : développement économique, reconquête industrielle sur les secteurs d’avenir, exemplarité des mobilités et de la ville intelligente.

Le Conseil Départemental de la Seine-Saint-Denis demande donc à l’Etat, dans le cadre du Contrat d’Intérêt National, de mettre tout en œuvre pour organiser cette reconquête industrielle.

6. Changer d’échelle.

La Seine-Saint-Denis peut et doit se prononcer sur un projet qui impacte son territoire, ses mobilités et ses dynamiques d’emploi. Nous n’avons qu’une seule préoccupation : l’intérêt des habitants de la Seine-Saint-Denis et nous sommes convaincus qu’il passe par l’étroite association d’une exigence environnementale forte et d’un projet social innovant.

C’est pourquoi, s’il n’est effectivement pas le rôle de notre collectivité de définir les grandes lignes d’aménagement d’un territoire qui n’est pas le sien, nous pouvons en revanche recommander d’élargir le périmètre de réflexion.

Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement EuropaCity, le triangle de Gonesse et la stratégie d’aménagement du sud du Val d’Oise, mais l’évolution urbaine, économique et environnementale d’un vaste secteur qui intègre PSA, l’aéroport du Bourget, et le futur secteur Olympique de Dugny-le Bourget. Et dans ce cadre là, de réfléchir à l’avenir du triangle de Gonesse, zone d’agriculture intensive mais qui aurait besoin d’un projet de développement au service de ces habitants.

Changer d’échelle donc et défendre un modèle d’aménagement qui permette de répondre aux besoins de logement, de préserver les espaces verts, de développer l’agriculture urbaine, de promouvoir les filières d’avenir, de créer de l’emploi.

Le Conseil Départemental de la Seine-Saint-Denis demande donc à l’Etat que le Contrat d’Intérêt National en élaboration permette de répondre à cet enjeu d’échelle pour construire les complémentarités territoriales du Nord-Est Francilien et mettre ainsi fin aux concurrences à l’œuvre qui agissent au détriment des habitants de l’Est du Val d’Oise et de la Seine-Saint-Denis.

Sans cette ambition, il ne sera pas possible de soutenir un projet qui serait en contradiction avec la qualité de vie des séquano-dionysiens, de leurs valeurs et d’une conception de l’avenir qui passe par la transformation écologique du territoire.