Intervention Frédérique Denis, Présidente du groupe EELV – Débat d’orientation budgétaire, séance du Conseil départemental – 14 janvier 2016 –
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Permettez-moi d’abord de présenter à toutes et à tous, les meilleurs vœux de notre groupe EELV pour la nouvelle année qui commence. Nous garderons tous longtemps en mémoire ce que fut l’année 2015. C’est le triste privilège que nous partageons doublement avec la ville de Paris : nous avons été, nous sommes et nous serons toujours Charlie, Bataclan, Paris, la Seine-Saint-Denis, la France, en ce que nous portons au cœur la République et ses valeurs inscrites au fronton de ses édifices : la liberté, l’égalité, la fraternité.

Que l’année 2016 scelle notre résistance aux idéologies du sectarisme, de l’exclusion, de la violence, celles qui menacent directement la démocratie comme celles, plus insidieuses, qui voudraient en saper, de l’intérieur, les fondements.
Que l’année 2016 scelle notre engagement pour plus de solidarité, plus de justice sociale, plus d’égalité, un engagement qui soit aussi celui d’une forte mobilisation pour le climat et pour la nature.

Nous savons à quel point ces objectifs sont imbriqués les uns dans les autres. Nous ne le répéterons jamais assez : l’écologie ne vient pas en plus des questions sociales, ce n’est pas un supplément d’âme pour quartiers gentrifiés en quête d’alternatives, c’est un ensemble cohérent, structuré, articulé de solutions, de pratiques, de modes de vie qui fournissent une réponse globale et pertinente aux problèmes des classes populaires.
Et lorsque cet ensemble de propositions s’articule à l’échelle de la totalité du territoire, non seulement il peut en réparer les fractures, créer du lien, restaurer un patrimoine oublié mais encore il peut en valoriser les potentiels économiques, sociaux, culturels, et s’adresser plus généralement à l’ensemble des habitants et des habitantes de la Seine-Saint-Denis. C’est cela qui est, aujourd’hui plus que jamais, porteur d’espoir. C’est cette fierté-là qui peut devenir la nôtre, celle d’une Seine-Saint-Denis plus forte parce que plus solidaire, plus écolo, d’une Seine-Saint-Denis avant-gardiste et exemplaire parce qu’elle invente les formes d’écologie et de solidarité modernes seules capables de rendre vivable la ville au sein de la métropole du XXI ème siècle.

Les orientations que nous prenons aujourd’hui dessinent la Seine-Saint-Denis de demain : aujourd’hui constitue en quelque sorte le brouillon de demain.
Or, nous sommes devant un choix historique, à la croisée de deux orientations, deux projets radicalement opposés pour la Seine-Saint-Denis de demain.
Le premier brouillon qui s’ébauche sous nos yeux dessine un département qui ne parviendrait pas à endiguer une urbanisation galopante, créatrice d’îlots de chaleur où suffoquerait une population jeune mais précaire. Le 93 deviendrait alors un territoire de relégation, pour des citoyens de deuxième classe, binationaux ou non, que viendraient rejoindre la cohorte de ceux qui ne trouveraient ailleurs ni logement ni travail, et notre institution verrait ses missions se réduire progressivement à maintenir ces populations dans la subordination à l’ordre qui les aliène et les spolie.
Le deuxième brouillon dessine, lui, un parcours tout autre pour un département aux potentialités riches et en plein devenir. Un territoire où la relation de la ville et des espaces de biodiversité s’est pacifiée, un espace urbain redevenu respirable dans tous les sens du terme, pour une population mise en capacité de se réapproprier son environnement, d’en dégager massivement les moyens d’une existence sobre mais heureuse, et de sécréter elle-même, dans une économie collaborative, sur des modes coopératifs et solidaires, l’antidote à la relégation dont je parlais tout à l’heure.

Nous, les élues d’EELV, nous serons attentives à ce que notre Département se donne les moyens de faire advenir en Seine-Saint-Denis ce territoire porteur de diversité et d’émancipation, de solidarité et de qualité de vie, qui expérimente des formes d’organisation sociale plus justes et des modes de production plus équitables. Nous avons ce mandat, probablement le dernier, pour relever le défi, et pour faire en sorte que ce soit cet avenir-là qui s’impose, et non l’autre. Pour que cette perspective ne se referme pas, dans un contexte aussi difficile que le nôtre, elle doit s’inscrire dans les orientations budgétaires dès cette année 2016.

Les problématiques de notre territoire sont clairement identifiées : elles se ramènent toutes, de près ou de loin, à ces trois fléaux – le chômage, la précarité, l’urbanisation anarchique.
Les contraintes, nous les connaissons : elles se ramènent toutes, de près ou de loin, à notre drastique manque de moyens. Cependant, ni les uns ni les autres ne sont une fatalité. Ces problématiques et ces contraintes, telles que nous les avons identifiées, prennent leur source dans des politiques qui, de fait, ont abdiqué leur pouvoir de transformation de la société, et se sont abstenues de préparer l’avenir.

Pour la Seine-Saint-Denis, pour ses habitantEs, nous voulons combattre toutes les formes de renoncement. Et nous avons des atouts ! Notre jeunesse, le dynamisme économique, l’implication des citoyens dans la vie associative !

Nous voulons renouer avec une politique départementale directement axée sur l’amélioration des conditions de vie des Séquano-DyonisienNEs. Voici donc maintenant les orientations que le groupe EELV souhaite prendre :

Tout d’abord, protéger et étendre les espaces verts. Ce n’est ni secondaire ni accessoire, c’est la base de tout, c’est un socle minimum de l’action départementale. Et les chantiers ouverts ou à ouvrir ne manquent pas : je me limiterai ici à rapidement présenter quatre d’entre eux.

  • le premier : sanctuarisons le parc Valbon : le dire ne suffit pas. Le faire, c’est développer dans ce parc des activités tournées vers le développement durable, telles que le pastoralisme, c’est favoriser l’éducation populaire à l’environnement, c’est étendre les espaces de biodiversité.
  • le deuxième : Refusons tout aménagement sur le triangle de Gonesse ! Je pense bien évidement au projet « Europacity » qui ne correspond en rien aux orientations, tant économiques qu’environnementales que nous souhaitons mettre en œuvre, notamment suite aux engagements de la France lors de la Cop 21.
  • A l’inverse, nous devons soutenir le projet de la Corniche des Forts, c’est le 3ème espace de biodiversité auquel je pense. La corniche des Forts c’est un formidable espace où l’on peut voir des buses variables, des pouillots véloces, des chouettes hulottes et également la Grisette, la Zygène de la Filipendule, la Decticelle bariolée, sans oublier l’emblématique crapaud calamite ! Ces endroits sont beaucoup trop rares en Seine Saint Denis pour que nous les laissions se dégrader progressivement, faute d’entretien et d’aménagement !
  • Et puis bien sûr, le quatrième point mais non le moins important : nous avons la situation très préoccupante du Fort de Vaujours. Et je veux rappeler ici, l’opposition totale des écologistes au projet de la société Placoplâtre qui consiste à démolir des dizaines de bâtiments en vue de l’exploitation d’une nouvelle carrière de gypse à ciel ouvert sur l’ancien site contaminé du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA). Ces démolitions et la future exploitation, avec l’accord des services de l’État, pourraient faire peser de graves risques en termes de santé publique pour les populations des villes riveraines et pour les travailleurs qui seraient amenés à intervenir sur le site. Pendant plus de 20 ans, le CEA a pratiqué des essais nucléaires avec des matières radioactives et chimiques sur le site. Les débris et éclats d’uranium causés par les explosions étaient projetés bien au-delà de l’emprise du fort et/ou évacués dans les 14 puits dits de «lavage» profonds de plusieurs dizaines de mètres.
    A cette pollution s’ajoutent d’autres risques liés à la présence d’explosifs en subsurface, de pollutions aux métaux lourds (Arsenic, Mercure, Amiante, Cuivre, Plomb, Tungstène, Zirconium, etc.) ainsi que des pollutions chimiques (Dioxine, PCB, Perchlorate d’ammonium, etc.) : ces listes ne sont pas exhaustives !

Oui, mesdames et messieurs, l’heure n’est plus à cautionner la mise à sac de notre Département. Nous voyons bien l’enchaînement des causes et des effets : de partout les coups tombent, jusqu’à ce qu’abrutis par des conditions d’existence de plus en plus difficiles, enfermés dans des villes de plus en plus irrespirables, nous ne puissions plus relever la tête et que nous acceptions docilement la mise en coupe réglée de notre département. Ce n’est pas le futur que nous voulons ! Avec énergie et confiance, reprenons en main notre destin. Et commençons par la mise en place de politiques publiques qui réarticulent la « nature » et la ville : pour une véritable écologie urbaine, voire pour une AGRICULTURE urbaine et biologique car relocaliser la production est tout d’abord extrêmement favorable à l’emploi local, première préoccupation des français. C’est un vrai défi : la Seine-Saint-Denis, un département modèle pour l’agriculture ! Je ne plaisante pas : nous avons une terre argilo-limoneuse extrêmement nutritive, ainsi qu’une expertise en agriculture urbaine en train de se constituer et qui commence à être reconnue dans le reste de la France, y compris auprès d’agriculteurs plus traditionnels. Un hectare cultivé en bio crée pour mémoire deux fois plus d’emplois qu’un hectare cultivé de manière conventionnelle. Et les circuits courts sont capables non seulement de faire émerger de nouvelles filières de transformation et de distribution, mais aussi de recréer du lien social entre le producteur et le consommateur dans une société qui en manque cruellement. Le travail de qualité du producteur est valorisé. Le consommateur est satisfait. L’économie locale est revivifiée.

L’économie verte et l’agriculture durable et de proximité sont également plus protectrices des sols, de nos réserves en eau et du climat car elles limitent le recours aux produits phytosanitaires, préservent les ressources naturelles et respectent le vivant. Des circuits courts mieux ancrés sur notre territoire, c’est moins de camions sur les routes, moins de polluants dans nos sols et moins d’atteintes à la biodiversité.
Enfin, c’est un mode de production et de distribution qui protège notre santé : les circuits courts diminuent le recours aux procédés de conservation à la nocivité démontrée mais aussi les risques sur la traçabilité et la fraude que l’affaire de la viande de cheval nous a sinistrement rappelés.
Parallèlement nous devons engager un ambitieux programme de rénovation énergétique, en développant les modes de transport doux et non polluants, en promouvant un habitat durable.
Nous écologistes, nous prenons souvent exemple sur La ville de Loos en Gohelle, dirigée par Jean-François Caron. Située dans le bassin minier dans le Pas de Calais, cette commune a été touchée, vous vous en doutez bien, par la désindustrialisation et plus précisément par la fermeture des mines tout au long des années 80-90. Le résultat : chômage et apparition de ce qu’on appelle la précarité énergétique. Je prends cet exemple parce que c’est une ville à laquelle personne ne peut oser ajouter le qualificatif dépréciatif de « bobo ».
La municipalité s’est lancée dans la construction de logements sociaux en éco-construction avec des bâtiments à énergie passive.
Au delà de l’aspect technique, le projet se caractérise par un accompagnement des locataires dans « l’acte d’habiter » pour leur permettre de bénéficier pleinement des performances énergétiques de leur logement.
Le résultat est au dessus des espérances : 25 à 30 € de charges mensuelles pour un appartement familial de type 4 de 90 à 100m2.

On apporte à la fois une réponse sociale, avec l’énorme baisse des charges, et une réponse écologique avec une baisse de la consommation énergétique.
Et forcément, les habitants apprécient, et ils le montrent dans les urnes …
Voilà ce qui marche, voilà ce vers quoi doit tendre notre société !
Oui nous devons faire des économies ! Parce qu’à ne pas le faire dans ce type de quadrature budgétaire, ce sont toujours les plus faibles, les plus exposés qui trinquent. Mais nous voulons faire mieux en faisant autrement.
Je le disais au début de mon propos : la principale force de notre territoire, c’est son dynamise associatif et culturel. Nous devons le préserver ! La culture, la culture populaire, partagée, celle qui fédère les patrimoines des uns et des autres, celle qui fait tomber les préjugés et qui fait s’écrouler les murs, c’est une réponse que nous devons soutenir face aux barbares qui souhaitent détruire notre société, notre façon de vivre !
Des économies oui ! Mais pas n’importe lesquelles ! Pas pour la culture ! Pas pour nos jeunes ! Pas pour l’environnement !

Ce sont ces orientations budgétaires que nous défendrons avec ardeur pour 2016 : responsabilité COP 21 oblige ! – avec le souci permanent d’une démocratie vivante et participative.